Les revues systématiques de la littérature (RSL) sont devenues un pilier fondamental de la pratique fondée sur les preuves en santé. Elles permettent une synthèse rapide des connaissances, facilitant ainsi la prise de décision pour les cliniciens et les chercheurs. Cependant, cet article met en évidence les limites et les risques associés à la prolifération des RSL, notamment leur qualité variable, leur redondance et les difficultés liées à leur interprétation.
Une multiplication exponentielle des revues, mais une qualité inégale
Au fil des années, les RSL ont supplanté les essais contrôlés randomisés au sommet de la pyramide des preuves scientifiques. Elles offrent un gain de temps considérable et sont souvent intégrées dans les recommandations officielles des instances de santé. Cependant, leur production a explosé, notamment sous l’effet de la pandémie de COVID-19, où elles constituaient une alternative facile aux études cliniques suspendues. Cette prolifération a entraîné plusieurs dérives :
- Des revues redondantes basées sur les mêmes études primaires.
- L’essor de revues prédatrices, qui publient des travaux de faible qualité moyennant des frais.
- L’émergence d’outils automatisés et d’intelligence artificielle facilitant leur production, mais soulevant des questions sur la rigueur méthodologique et l’interprétation des résultats.
Une information trop généraliste et une perte de nuances
Les RSL ont pour objectif de dégager une tendance générale sur une question de recherche. Cependant, cette approche présente des limites :
- Elles ont tendance à lisser les résultats et à masquer des variations importantes entre les études incluses.
- L’extrapolation des résultats est souvent imprécise, en raison de la diversité des paramètres étudiés (populations, interventions, méthodes).
- En kinésithérapie, les interventions étant souvent multimodales et complexes, la validité externe des RSL est discutée, car les conditions expérimentales sont rarement transposables à la pratique clinique.
L’article souligne également que la domination des RSL dans la hiérarchie des preuves a relégué au second plan d’autres formes de recherches plus contextuelles, comme les études qualitatives ou les rapports de cas, pourtant essentiels pour affiner le raisonnement clinique.
Un manque de rigueur dans la classification et l’évaluation des revues
Un autre problème majeur est la nomenclature confuse des revues de la littérature. De nombreuses revues prétendent être systématiques alors qu’elles sont en réalité narratives, de portée (scoping reviews) ou parapluie (umbrella reviews). Ce flou terminologique complique l’interprétation des résultats et peut induire en erreur les lecteurs.
De plus, l’évaluation de la qualité des RSL est difficile. Deux outils sont couramment utilisés :
- PRISMA : guide de rédaction garantissant une transparence méthodologique.
- AMSTAR-2 : évaluation critique du risque de biais dans une RSL.
Cependant, le respect des critères PRISMA ne garantit pas une qualité méthodologique élevée, et de nombreuses RSL reposent sur une littérature primaire de faible qualité. Ainsi, un lecteur non averti peut être trompé par une revue bien structurée mais reposant sur des preuves fragiles.
Conclusion
Les RSL sont des outils précieux mais doivent être utilisées avec discernement. Il est essentiel de ne pas les considérer comme des vérités absolues et de compléter leur lecture par une analyse critique de leur qualité, de la méthodologie employée et des études primaires qu’elles synthétisent. Les cliniciens et chercheurs doivent adopter une approche équilibrée entre synthèse des preuves et prise en compte des spécificités cliniques et contextuelles, pour éviter que l’excès d’information ne devienne un frein à la prise de décision éclairée.
Recommandations pour une meilleure utilisation des RSL
Face à ces constats, les auteurs formulent plusieurs recommandations pour les cliniciens, chercheurs et étudiants :
- Produire moins de RSL et privilégier des études primaires innovantes.
- Ne pas se baser uniquement sur les RSL pour la prise de décision clinique.
- Réintégrer les essais cliniques et les rapports de cas dans le raisonnement clinique.
- Associer la recherche quantitative et qualitative pour une meilleure compréhension des phénomènes complexes.
- Harmoniser la nomenclature des revues de littérature selon les standards établis.
- Mettre à jour les grilles d’évaluation pour mieux distinguer la qualité rédactionnelle et méthodologique.
- Travailler en équipe et consulter des experts pour évaluer la pertinence d’une revue.
- Se former aux nouveaux outils d’intelligence artificielle tout en restant critique.
- Éviter les revues prédatrices en vérifiant la réputation des revues où sont publiées les RSL.

Par rapport à l’EBP, les revues de littérature traitent de sujets généraux en perdant la finesse du grain de l’analyse propre à chaque cas clinique.
Deux points nous paraissent particulièrement déficitaires, les croyances et attentes du patient et l’expérience du praticien.
Dans notre enseignement nous gardons les valeurs positives des RSL mais nous apportons en plus la finesse de l’examen clinique de chaque patient et l’ajustement du traitement propre à chaque personne soignée.